mercredi 18 juin 2025

Ainsi résonne l'oubli, Grégoire GODINAUD

 


Couverture du roman "Ainsi résonne l’oubli" de Grégoire Godinaud, thriller psychologique

                     
« Et si elle avait le syndrome du survivant ? »

Elle se sent coupable d'avoir survécu alors que les autres sont morts…

📖

✓ Un roman qui déçoit malgré sa couverture attrayante

Il est des romans qui, malgré une couverture attrayante et une quatrième de couv' prometteuse, peinent à convaincre. Celui-ci en fait tristement partie. De mon point de vue, ce roman s'est révélé être un faux suspense, un faux polar, un faux tout court. Et cela va bien au-delà d'une simple déception.

La lecture laisse une impression de fouillis, d'un enchevêtrement d'éléments qui n'apportent ni profondeur ni consistance au récit. L'intrigue, que l'on attendait originale, s'avère convenue, attendue, inutilement complexifiée, et à vrai dire, d'une fadeur désolante.

✓ Une intrigue sans tension ni émotion

Ce n'est pas qu'elle soit difficile à suivre, non. C'est simplement qu'elle n'offre ni tension crédible, ni émotion réelle, ni rebondissements dignes de ce nom. Elle donne l'impression de vouloir faire compliqué pour masquer un fond creux.

Ensuite, et ce n'est pas un détail : je ne veux pas en dire trop, pour ne pas divulgâcher l'histoire, mais pour ceux qui s'y aventureront malgré tout, sachez que Grégoire Gaudinaud n'a pas hésité à contourner certains codes structurants du polar et du thriller. Cela aurait pu être audacieux, si c'était fait avec doigté. Ici, cela sonne creux, artificiel, comme un procédé qui tombe à plat. Le roman donne l'illusion du vertige psychologique, sans jamais l'atteindre.

✓ Une psychologie sous-exploitée et incohérente

L'une des grandes faiblesses de ce récit réside dans l'ambition psychologique qu'il revendique sans jamais s'en donner les moyens. On sent que le roman cherche à explorer des zones d'ombre mentales, à installer une tension liée aux souvenirs traumatiques, mais rien ne tient véritablement debout. La psychologie des personnages est esquissée, jamais creusée, souvent incohérente, et parfois même franchement douteuse du point de vue psychiatrique.

Un exemple révélateur : un personnage évoque la possibilité que l'héroïne souffre du syndrome du survivant, ce qui en soi est plausible. Ce syndrome – fréquemment associé aux états de stress post-traumatique – peut effectivement engendrer une culpabilité profonde chez ceux qui ont survécu à un drame ayant coûté la vie à d'autres. Jusqu'ici, rien à redire.

Mais lorsque le personnage affirme, dans la continuité, que « ses sentiments de honte et de culpabilité seront peut-être exacerbés, au point de la pousser à commettre des actes horribles en lien avec les réminiscences de son passé, comme déterrer des cadavres et ne pas s'en souvenir », on entre dans une zone scientifiquement douteuse.

🖐️ Les troubles de la mémoire (notamment les amnésies dissociatives) peuvent certes survenir dans des contextes post-traumatiques sévères. Mais la bascule vers des comportements violents, morbides ou délirants de ce type, sans antécédents psychiatriques majeurs ou dissociation structurelle profonde, n'est pas cohérente avec les données actuelles de la psychiatrie.

En d'autres termes, l'auteur tire un fil psychologique jusqu'à la rupture, sans base sérieuse. Cela contribue au sentiment d'invraisemblance générale. La fiction réaliste n'exige pas une vérité absolue, mais elle ne peut se permettre de tordre la vraisemblance clinique à ce point, sans sombrer dans le ridicule involontaire.

Ce qui pose donc un problème ici, ce n'est pas tant que l'histoire sorte des sentiers battus – c'est même souhaitable – mais qu'elle le fasse sans rigueur ni cohérence, en s'appuyant sur des ressorts narratifs incohérents et des personnages qui semblent souvent agir selon la seule commodité du scénario.

📌 Il faut aussi dire un mot sur le style : d'une platitude déconcertante, sans souffle, sans singularité. Aucune image marquante, aucun rythme digne d'un thriller. Les dialogues sont fréquemment creux, les descriptions mécaniques, et l'ensemble donne une impression d'écriture au kilomètre.

Je ne peux donc pas recommander ce roman. Il m'a franchement déplu. Non seulement parce qu'il est insipide et convenu, mais puisqu'il tente de maquiller cette fadeur par une complexité artificielle. Une recette qui ne prend pas.


📖 Chronique rédigée par Michel Blaise – © lecteur impertinent
Roman de Grégoire Gaudinaud – Éditions Gros Caillou – 2025

 « Et si elle avait le syndrome du survivant ? »

Elle se sent coupable d'avoir survécu alors que les autres sont morts…

📖

✓ Un roman qui déçoit malgré sa couverture attrayante

Il est des romans qui, malgré une couverture attrayante et une quatrième de couv' prometteuse, peinent à convaincre. Celui-ci en fait tristement partie. De mon point de vue, ce roman s'est révélé être un faux suspense, un faux polar, un faux tout court. Et cela va bien au-delà d'une simple déception.
La lecture laisse une impression de fouillis, d'un enchevêtrement d'éléments qui n'apportent ni profondeur ni consistance au récit. L'intrigue, que l'on attendait originale, s'avère convenue, attendue, inutilement complexifiée, et à vrai dire, d'une fadeur désolante.

✓ Une intrigue sans tension ni émotion

Ce n'est pas qu'elle soit difficile à suivre, non. C'est simplement qu'elle n'offre ni tension crédible, ni émotion réelle, ni rebondissements dignes de ce nom. Elle donne l'impression de vouloir faire compliqué pour masquer un fond creux.
Ensuite, et ce n'est pas un détail : je ne veux pas en dire trop, pour ne pas divulgâcher l'histoire, mais pour ceux qui s'y aventureront malgré tout, sachez que Grégoire Gaudinaud n'a pas hésité à contourner certains codes structurants du polar et du thriller. Cela aurait pu être audacieux, si c'était fait avec doigté. Ici, cela sonne creux, artificiel, comme un procédé qui tombe à plat. Le roman donne l'illusion du vertige psychologique, sans jamais l'atteindre.

✓ Une psychologie sous-exploitée et incohérente

L'une des grandes faiblesses de ce récit réside dans l'ambition psychologique qu'il revendique sans jamais s'en donner les moyens. On sent que le roman cherche à explorer des zones d'ombre mentales, à installer une tension liée aux souvenirs traumatiques, mais rien ne tient véritablement debout. La psychologie des personnages est esquissée, jamais creusée, souvent incohérente, et parfois même franchement douteuse du point de vue psychiatrique.

Un exemple révélateur : un personnage évoque la possibilité que l'héroïne souffre du syndrome du survivant, ce qui en soi est plausible. Ce syndrome – fréquemment associé aux états de stress post-traumatique – peut effectivement engendrer une culpabilité profonde chez ceux qui ont survécu à un drame ayant coûté la vie à d'autres. Jusqu'ici, rien à redire.

Mais lorsque le personnage affirme, dans la continuité, que « ses sentiments de honte et de culpabilité seront peut-être exacerbés, au point de la pousser à commettre des actes horribles en lien avec les réminiscences de son passé, comme déterrer des cadavres et ne pas s'en souvenir », on entre dans une zone scientifiquement douteuse.

🖐️ Les troubles de la mémoire (notamment les amnésies dissociatives) peuvent certes survenir dans des contextes post-traumatiques sévères. Mais la bascule vers des comportements violents, morbides ou délirants de ce type, sans antécédents psychiatriques majeurs ou dissociation structurelle profonde, n'est pas cohérente avec les données actuelles de la psychiatrie.

En d'autres termes, l'auteur tire un fil psychologique jusqu'à la rupture, sans base sérieuse. Cela contribue au sentiment d'invraisemblance générale. La fiction réaliste n'exige pas une vérité absolue, mais elle ne peut se permettre de tordre la vraisemblance clinique à ce point, sans sombrer dans le ridicule involontaire.

Ce qui pose donc un problème ici, ce n'est pas tant que l'histoire sorte des sentiers battus – c'est même souhaitable – mais qu'elle le fasse sans rigueur ni cohérence, en s'appuyant sur des ressorts narratifs incohérents et des personnages qui semblent souvent agir selon la seule commodité du scénario.

📌 Il faut aussi dire un mot sur le style : d'une platitude déconcertante, sans souffle, sans singularité. Aucune image marquante, aucun rythme digne d'un thriller. Les dialogues sont fréquemment creux, les descriptions mécaniques, et l'ensemble donne une impression d'écriture au kilomètre.

Je ne peux donc pas recommander ce roman. Il m'a franchement déplu. Non seulement parce qu'il est insipide et convenu, mais puisqu'il tente de maquiller cette fadeur par une complexité artificielle. Une recette qui ne prend pas.


📖 Chronique rédigée par Michel Blaise – © lecteur impertinent
Roman de Grégoire Gaudinaud – Éditions Gros Caillou – 2025

 « Et si elle avait le syndrome du survivant ? »

Elle se sent coupable d'avoir survécu alors que les autres sont morts…

📖

✓ Un roman qui déçoit malgré sa couverture attrayante

Il est des romans qui, malgré une couverture attrayante et une quatrième de couv' prometteuse, peinent à convaincre. Celui-ci en fait tristement partie. De mon point de vue, ce roman s'est révélé être un faux suspense, un faux polar, un faux tout court. Et cela va bien au-delà d'une simple déception.
La lecture laisse une impression de fouillis, d'un enchevêtrement d'éléments qui n'apportent ni profondeur ni consistance au récit. L'intrigue, que l'on attendait originale, s'avère convenue, attendue, inutilement complexifiée, et à vrai dire, d'une fadeur désolante.

✓ Une intrigue sans tension ni émotion

Ce n'est pas qu'elle soit difficile à suivre, non. C'est simplement qu'elle n'offre ni tension crédible, ni émotion réelle, ni rebondissements dignes de ce nom. Elle donne l'impression de vouloir faire compliqué pour masquer un fond creux.
Ensuite, et ce n'est pas un détail : je ne veux pas en dire trop, pour ne pas divulgâcher l'histoire, mais pour ceux qui s'y aventureront malgré tout, sachez que Grégoire Gaudinaud n'a pas hésité à contourner certains codes structurants du polar et du thriller. Cela aurait pu être audacieux, si c'était fait avec doigté. Ici, cela sonne creux, artificiel, comme un procédé qui tombe à plat. Le roman donne l'illusion du vertige psychologique, sans jamais l'atteindre.

✓ Une psychologie sous-exploitée et incohérente

L'une des grandes faiblesses de ce récit réside dans l'ambition psychologique qu'il revendique sans jamais s'en donner les moyens. On sent que le roman cherche à explorer des zones d'ombre mentales, à installer une tension liée aux souvenirs traumatiques, mais rien ne tient véritablement debout. La psychologie des personnages est esquissée, jamais creusée, souvent incohérente, et parfois même franchement douteuse du point de vue psychiatrique.

Un exemple révélateur : un personnage évoque la possibilité que l'héroïne souffre du syndrome du survivant, ce qui en soi est plausible. Ce syndrome – fréquemment associé aux états de stress post-traumatique – peut effectivement engendrer une culpabilité profonde chez ceux qui ont survécu à un drame ayant coûté la vie à d'autres. Jusqu'ici, rien à redire.

Mais lorsque le personnage affirme, dans la continuité, que « ses sentiments de honte et de culpabilité seront peut-être exacerbés, au point de la pousser à commettre des actes horribles en lien avec les réminiscences de son passé, comme déterrer des cadavres et ne pas s'en souvenir », on entre dans une zone scientifiquement douteuse.

🖐️ Les troubles de la mémoire (notamment les amnésies dissociatives) peuvent certes survenir dans des contextes post-traumatiques sévères. Mais la bascule vers des comportements violents, morbides ou délirants de ce type, sans antécédents psychiatriques majeurs ou dissociation structurelle profonde, n'est pas cohérente avec les données actuelles de la psychiatrie.

En d'autres termes, l'auteur tire un fil psychologique jusqu'à la rupture, sans base sérieuse. Cela contribue au sentiment d'invraisemblance générale. La fiction réaliste n'exige pas une vérité absolue, mais elle ne peut se permettre de tordre la vraisemblance clinique à ce point, sans sombrer dans le ridicule involontaire.

Ce qui pose donc un problème ici, ce n'est pas tant que l'histoire sorte des sentiers battus – c'est même souhaitable – mais qu'elle le fasse sans rigueur ni cohérence, en s'appuyant sur des ressorts narratifs incohérents et des personnages qui semblent souvent agir selon la seule commodité du scénario.

📌 Il faut aussi dire un mot sur le style : d'une platitude déconcertante, sans souffle, sans singularité. Aucune image marquante, aucun rythme digne d'un thriller. Les dialogues sont fréquemment creux, les descriptions mécaniques, et l'ensemble donne une impression d'écriture au kilomètre.

Je ne peux donc pas recommander ce roman. Il m'a franchement déplu. Non seulement parce qu'il est insipide et convenu, mais puisqu'il tente de maquiller cette fadeur par une complexité artificielle. Une recette qui ne prend pas.


📖 Chronique rédigée par Michel Blaise – © lecteur impertinent
Roman de Grégoire GaudinaudÉditions du Gros Caillou – 2025


mercredi 4 juin 2025

L'amant Russe, Gilles Leroy





Couverture de l'Amant russe de Gilles Leroy, édition originale 2002, MERCURE DE FRANCE (fond bleu uni)

 


"Combat le diable avec cette chose que l'on appelle l'amour"(Bob Marley)

📌 L'amant russe L'amour comme acte de résistance ?


√ Une rencontre clandestine sous le vernis soviétique

Publié en 2002 chez Mercure de France, "L'Amant russe" de Gilles Leroy est un récit que je n'ai pas refermé sans un certain trouble. Pas un grand choc, pas une émotion débordante, mais cette sensation rare d'avoir traversé une histoire à la fois simple et dense, qui continue d'habiter longtemps après la dernière page.

Un jeune Français, seize ans, part en URSS dans le cadre d'un voyage militant, dans cette Leningrad de l'époque soviétique où les façades sont monumentales, mais les regards souvent fuyants.

Ce qui devait être une immersion politique devient rapidement autre chose : une traversée de soi, une première secousse du désir, un ébranlement discret, mais décisif.

√ Volodia, l'homme-fantôme : silence, désir et retenue

Là-bas, il rencontre Volodia. Un Russe plus âgé (27 ans), technicien ou ingénieur, c'est difficile à cerner, silencieux, presque fuyant. il incarne ce que le narrateur découvre à peine : la peur, la retenue, le poids d'un régime qui ne pardonne ni l'écart ni la vérité.

📌 Ce roman aurait pu s'écrire autrement. Il aurait pu tomber dans la facilité du récit d'initiation sensuel ou des clichés sur l'homosexualité interdite en pays totalitaire. Il ne le fait jamais.

Et c'est là que réside toute sa force. Gilles Leroy choisit la pudeur. Il choisit les silences, les gestes interrompus, les pensées retenues. L'amour n'y est jamais crié, encore moins revendiqué. Il se devine, il se sent parfois, il se tait. Il y a dans ce texte une manière très fine d'aborder le corps et le désir sans jamais en dire trop. Les mots employés sont toujours du côté de l'évocation, jamais de la crudité.

√ Une prose fine et musicale : l'art du demi-ton

Ce qui m'a particulièrement retenu, c'est cette langue — très travaillée, mais sans effet de manche. Une prose tendue, presque poétique, où chaque phrase semble porter un poids affectif, une tension invisible.

C'est un chant discret, une musique en sourdine. Une lecture exigeante, sans doute. Il faut de temps en temps relire certains passages pour en capter la finesse. Mais ce n'est jamais une lourdeur. C'est un rythme à accepter, à suivre.

📌 Un roman à apprivoiser, comme Volodia lui-même : il ne se livre pas d'un coup. Il faut attendre, rester, regarder.

Les personnages secondaires sont là, mais toujours en marge. Tatiana, Irina, François… Ils dessinent le décor, soulignent les lignes de tension, mais c'est entre le narrateur et Volodia que se joue l'essentiel. Une relation étrange, hésitante, jamais clarifiée. Ont-ils été amants ? Peut-être. Mais ce n'est pas la question. Ce qui compte, c'est ce qui circule entre eux : cette attente, cette retenue, ce presque.

√ L'amour comme fragment politique

Volodia, c'est l'homme qui se fait attendre, qui se dérobe, probablement par peur, sûrement par fidélité à un silence qu'on lui a appris dès l'enfance. Il n'est pas là pour combler un désir : il en révèle l'absence, le manque, la fragilité. Et c'est en cela qu'il reste inoubliable. Pas pour ce qu'il fait. Pour ce qu'il ne peut pas faire.

Il y a aussi dans ce roman quelque chose de plus vaste : un regard politique, mais discret, sur l'URSS. La remarque sur le livre de Sartre interdit, la surveillance omniprésente, les gestes étouffés… Tout cela est suggéré, jamais démontré. L'amour y devient quasiment un acte de résistance, une manière d'exister envers et contre tout.

Ce n'est pas un pamphlet, ni une dénonciation. C'est plus subtil : c'est le portrait d'un monde dans lequel l'intime est menacé, où l'on apprend très jeune à cacher ce que l'on est. Et dans ce cadre, l'histoire racontée prend une ampleur singulière. On comprend peu à peu que l'interdit ne vient pas seulement du régime : il vient aussi de la honte, de l'habitude du silence, de l'impossibilité d'habiter son propre corps.

√ Une fin suspendue, comme un dernier regard

La fin, d'ailleurs, est à l'image du reste. Rien n'est tranché. le narrateur quitte la Russie, Volodia reste. Il y a un train, un quai, un moment suspendu. On ne sait pas ce qui les attend, ni ce qu'ils se sont réellement dit. Mais il reste quelque chose de cet été-là. Une fracture douce, une mémoire physique. Et peut-être une forme d'amour — mais sans nom, sans statut, sans avenir assigné.

📌 Je recommande vivement ce livre splendide, à mon sens bien supérieur à Alabama Song — du même auteur — pourtant couronné par le prix Goncourt en 2007.

📖 Chronique rédigée par Michel Blaise – © lecteur impertinent