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mercredi 18 juin 2025

Ainsi résonne l'oubli, Grégoire GODINAUD

 


Couverture du roman "Ainsi résonne l’oubli" de Grégoire Godinaud, thriller psychologique

                     
« Et si elle avait le syndrome du survivant ? »

Elle se sent coupable d'avoir survécu alors que les autres sont morts…

📖

✓ Un roman qui déçoit malgré sa couverture attrayante

Il est des romans qui, malgré une couverture attrayante et une quatrième de couv' prometteuse, peinent à convaincre. Celui-ci en fait tristement partie. De mon point de vue, ce roman s'est révélé être un faux suspense, un faux polar, un faux tout court. Et cela va bien au-delà d'une simple déception.

La lecture laisse une impression de fouillis, d'un enchevêtrement d'éléments qui n'apportent ni profondeur ni consistance au récit. L'intrigue, que l'on attendait originale, s'avère convenue, attendue, inutilement complexifiée, et à vrai dire, d'une fadeur désolante.

✓ Une intrigue sans tension ni émotion

Ce n'est pas qu'elle soit difficile à suivre, non. C'est simplement qu'elle n'offre ni tension crédible, ni émotion réelle, ni rebondissements dignes de ce nom. Elle donne l'impression de vouloir faire compliqué pour masquer un fond creux.

Ensuite, et ce n'est pas un détail : je ne veux pas en dire trop, pour ne pas divulgâcher l'histoire, mais pour ceux qui s'y aventureront malgré tout, sachez que Grégoire Gaudinaud n'a pas hésité à contourner certains codes structurants du polar et du thriller. Cela aurait pu être audacieux, si c'était fait avec doigté. Ici, cela sonne creux, artificiel, comme un procédé qui tombe à plat. Le roman donne l'illusion du vertige psychologique, sans jamais l'atteindre.

✓ Une psychologie sous-exploitée et incohérente

L'une des grandes faiblesses de ce récit réside dans l'ambition psychologique qu'il revendique sans jamais s'en donner les moyens. On sent que le roman cherche à explorer des zones d'ombre mentales, à installer une tension liée aux souvenirs traumatiques, mais rien ne tient véritablement debout. La psychologie des personnages est esquissée, jamais creusée, souvent incohérente, et parfois même franchement douteuse du point de vue psychiatrique.

Un exemple révélateur : un personnage évoque la possibilité que l'héroïne souffre du syndrome du survivant, ce qui en soi est plausible. Ce syndrome – fréquemment associé aux états de stress post-traumatique – peut effectivement engendrer une culpabilité profonde chez ceux qui ont survécu à un drame ayant coûté la vie à d'autres. Jusqu'ici, rien à redire.

Mais lorsque le personnage affirme, dans la continuité, que « ses sentiments de honte et de culpabilité seront peut-être exacerbés, au point de la pousser à commettre des actes horribles en lien avec les réminiscences de son passé, comme déterrer des cadavres et ne pas s'en souvenir », on entre dans une zone scientifiquement douteuse.

🖐️ Les troubles de la mémoire (notamment les amnésies dissociatives) peuvent certes survenir dans des contextes post-traumatiques sévères. Mais la bascule vers des comportements violents, morbides ou délirants de ce type, sans antécédents psychiatriques majeurs ou dissociation structurelle profonde, n'est pas cohérente avec les données actuelles de la psychiatrie.

En d'autres termes, l'auteur tire un fil psychologique jusqu'à la rupture, sans base sérieuse. Cela contribue au sentiment d'invraisemblance générale. La fiction réaliste n'exige pas une vérité absolue, mais elle ne peut se permettre de tordre la vraisemblance clinique à ce point, sans sombrer dans le ridicule involontaire.

Ce qui pose donc un problème ici, ce n'est pas tant que l'histoire sorte des sentiers battus – c'est même souhaitable – mais qu'elle le fasse sans rigueur ni cohérence, en s'appuyant sur des ressorts narratifs incohérents et des personnages qui semblent souvent agir selon la seule commodité du scénario.

📌 Il faut aussi dire un mot sur le style : d'une platitude déconcertante, sans souffle, sans singularité. Aucune image marquante, aucun rythme digne d'un thriller. Les dialogues sont fréquemment creux, les descriptions mécaniques, et l'ensemble donne une impression d'écriture au kilomètre.

Je ne peux donc pas recommander ce roman. Il m'a franchement déplu. Non seulement parce qu'il est insipide et convenu, mais puisqu'il tente de maquiller cette fadeur par une complexité artificielle. Une recette qui ne prend pas.


📖 Chronique rédigée par Michel Blaise – © lecteur impertinent
Roman de Grégoire Gaudinaud – Éditions Gros Caillou – 2025

 « Et si elle avait le syndrome du survivant ? »

Elle se sent coupable d'avoir survécu alors que les autres sont morts…

📖

✓ Un roman qui déçoit malgré sa couverture attrayante

Il est des romans qui, malgré une couverture attrayante et une quatrième de couv' prometteuse, peinent à convaincre. Celui-ci en fait tristement partie. De mon point de vue, ce roman s'est révélé être un faux suspense, un faux polar, un faux tout court. Et cela va bien au-delà d'une simple déception.
La lecture laisse une impression de fouillis, d'un enchevêtrement d'éléments qui n'apportent ni profondeur ni consistance au récit. L'intrigue, que l'on attendait originale, s'avère convenue, attendue, inutilement complexifiée, et à vrai dire, d'une fadeur désolante.

✓ Une intrigue sans tension ni émotion

Ce n'est pas qu'elle soit difficile à suivre, non. C'est simplement qu'elle n'offre ni tension crédible, ni émotion réelle, ni rebondissements dignes de ce nom. Elle donne l'impression de vouloir faire compliqué pour masquer un fond creux.
Ensuite, et ce n'est pas un détail : je ne veux pas en dire trop, pour ne pas divulgâcher l'histoire, mais pour ceux qui s'y aventureront malgré tout, sachez que Grégoire Gaudinaud n'a pas hésité à contourner certains codes structurants du polar et du thriller. Cela aurait pu être audacieux, si c'était fait avec doigté. Ici, cela sonne creux, artificiel, comme un procédé qui tombe à plat. Le roman donne l'illusion du vertige psychologique, sans jamais l'atteindre.

✓ Une psychologie sous-exploitée et incohérente

L'une des grandes faiblesses de ce récit réside dans l'ambition psychologique qu'il revendique sans jamais s'en donner les moyens. On sent que le roman cherche à explorer des zones d'ombre mentales, à installer une tension liée aux souvenirs traumatiques, mais rien ne tient véritablement debout. La psychologie des personnages est esquissée, jamais creusée, souvent incohérente, et parfois même franchement douteuse du point de vue psychiatrique.

Un exemple révélateur : un personnage évoque la possibilité que l'héroïne souffre du syndrome du survivant, ce qui en soi est plausible. Ce syndrome – fréquemment associé aux états de stress post-traumatique – peut effectivement engendrer une culpabilité profonde chez ceux qui ont survécu à un drame ayant coûté la vie à d'autres. Jusqu'ici, rien à redire.

Mais lorsque le personnage affirme, dans la continuité, que « ses sentiments de honte et de culpabilité seront peut-être exacerbés, au point de la pousser à commettre des actes horribles en lien avec les réminiscences de son passé, comme déterrer des cadavres et ne pas s'en souvenir », on entre dans une zone scientifiquement douteuse.

🖐️ Les troubles de la mémoire (notamment les amnésies dissociatives) peuvent certes survenir dans des contextes post-traumatiques sévères. Mais la bascule vers des comportements violents, morbides ou délirants de ce type, sans antécédents psychiatriques majeurs ou dissociation structurelle profonde, n'est pas cohérente avec les données actuelles de la psychiatrie.

En d'autres termes, l'auteur tire un fil psychologique jusqu'à la rupture, sans base sérieuse. Cela contribue au sentiment d'invraisemblance générale. La fiction réaliste n'exige pas une vérité absolue, mais elle ne peut se permettre de tordre la vraisemblance clinique à ce point, sans sombrer dans le ridicule involontaire.

Ce qui pose donc un problème ici, ce n'est pas tant que l'histoire sorte des sentiers battus – c'est même souhaitable – mais qu'elle le fasse sans rigueur ni cohérence, en s'appuyant sur des ressorts narratifs incohérents et des personnages qui semblent souvent agir selon la seule commodité du scénario.

📌 Il faut aussi dire un mot sur le style : d'une platitude déconcertante, sans souffle, sans singularité. Aucune image marquante, aucun rythme digne d'un thriller. Les dialogues sont fréquemment creux, les descriptions mécaniques, et l'ensemble donne une impression d'écriture au kilomètre.

Je ne peux donc pas recommander ce roman. Il m'a franchement déplu. Non seulement parce qu'il est insipide et convenu, mais puisqu'il tente de maquiller cette fadeur par une complexité artificielle. Une recette qui ne prend pas.


📖 Chronique rédigée par Michel Blaise – © lecteur impertinent
Roman de Grégoire Gaudinaud – Éditions Gros Caillou – 2025

 « Et si elle avait le syndrome du survivant ? »

Elle se sent coupable d'avoir survécu alors que les autres sont morts…

📖

✓ Un roman qui déçoit malgré sa couverture attrayante

Il est des romans qui, malgré une couverture attrayante et une quatrième de couv' prometteuse, peinent à convaincre. Celui-ci en fait tristement partie. De mon point de vue, ce roman s'est révélé être un faux suspense, un faux polar, un faux tout court. Et cela va bien au-delà d'une simple déception.
La lecture laisse une impression de fouillis, d'un enchevêtrement d'éléments qui n'apportent ni profondeur ni consistance au récit. L'intrigue, que l'on attendait originale, s'avère convenue, attendue, inutilement complexifiée, et à vrai dire, d'une fadeur désolante.

✓ Une intrigue sans tension ni émotion

Ce n'est pas qu'elle soit difficile à suivre, non. C'est simplement qu'elle n'offre ni tension crédible, ni émotion réelle, ni rebondissements dignes de ce nom. Elle donne l'impression de vouloir faire compliqué pour masquer un fond creux.
Ensuite, et ce n'est pas un détail : je ne veux pas en dire trop, pour ne pas divulgâcher l'histoire, mais pour ceux qui s'y aventureront malgré tout, sachez que Grégoire Gaudinaud n'a pas hésité à contourner certains codes structurants du polar et du thriller. Cela aurait pu être audacieux, si c'était fait avec doigté. Ici, cela sonne creux, artificiel, comme un procédé qui tombe à plat. Le roman donne l'illusion du vertige psychologique, sans jamais l'atteindre.

✓ Une psychologie sous-exploitée et incohérente

L'une des grandes faiblesses de ce récit réside dans l'ambition psychologique qu'il revendique sans jamais s'en donner les moyens. On sent que le roman cherche à explorer des zones d'ombre mentales, à installer une tension liée aux souvenirs traumatiques, mais rien ne tient véritablement debout. La psychologie des personnages est esquissée, jamais creusée, souvent incohérente, et parfois même franchement douteuse du point de vue psychiatrique.

Un exemple révélateur : un personnage évoque la possibilité que l'héroïne souffre du syndrome du survivant, ce qui en soi est plausible. Ce syndrome – fréquemment associé aux états de stress post-traumatique – peut effectivement engendrer une culpabilité profonde chez ceux qui ont survécu à un drame ayant coûté la vie à d'autres. Jusqu'ici, rien à redire.

Mais lorsque le personnage affirme, dans la continuité, que « ses sentiments de honte et de culpabilité seront peut-être exacerbés, au point de la pousser à commettre des actes horribles en lien avec les réminiscences de son passé, comme déterrer des cadavres et ne pas s'en souvenir », on entre dans une zone scientifiquement douteuse.

🖐️ Les troubles de la mémoire (notamment les amnésies dissociatives) peuvent certes survenir dans des contextes post-traumatiques sévères. Mais la bascule vers des comportements violents, morbides ou délirants de ce type, sans antécédents psychiatriques majeurs ou dissociation structurelle profonde, n'est pas cohérente avec les données actuelles de la psychiatrie.

En d'autres termes, l'auteur tire un fil psychologique jusqu'à la rupture, sans base sérieuse. Cela contribue au sentiment d'invraisemblance générale. La fiction réaliste n'exige pas une vérité absolue, mais elle ne peut se permettre de tordre la vraisemblance clinique à ce point, sans sombrer dans le ridicule involontaire.

Ce qui pose donc un problème ici, ce n'est pas tant que l'histoire sorte des sentiers battus – c'est même souhaitable – mais qu'elle le fasse sans rigueur ni cohérence, en s'appuyant sur des ressorts narratifs incohérents et des personnages qui semblent souvent agir selon la seule commodité du scénario.

📌 Il faut aussi dire un mot sur le style : d'une platitude déconcertante, sans souffle, sans singularité. Aucune image marquante, aucun rythme digne d'un thriller. Les dialogues sont fréquemment creux, les descriptions mécaniques, et l'ensemble donne une impression d'écriture au kilomètre.

Je ne peux donc pas recommander ce roman. Il m'a franchement déplu. Non seulement parce qu'il est insipide et convenu, mais puisqu'il tente de maquiller cette fadeur par une complexité artificielle. Une recette qui ne prend pas.


📖 Chronique rédigée par Michel Blaise – © lecteur impertinent
Roman de Grégoire GaudinaudÉditions du Gros Caillou – 2025


mercredi 28 mai 2025

Plus noir que noir, Stephen King



 

Couverture de Plus noir que noir de Stephen King

                                                            

✍️ "Le livre est un miroir. Si un âne se regarde dedans, il ne peut pas s’attendre à y voir un apôtre". (Georg Christoph Lichtenberg)



📌Douze nouvelles pour franchir la porte du monde de Stephen King : Plus noir que noir, un recueil intense et accessible.

Mon immersion dans les ténèbres : une première rencontre avec Stephen King à travers Plus noir que noir

Pour quelqu’un qui, comme moi, a déjà eu un aperçu de l’univers de Stephen King à travers une seule lecture, il y a longtemps, mais n’a jamais osé s’aventurer plus loin dans son œuvre, auréolée de sa réputation de maître absolu du genre, la sortie française de "Plus noir que noir" aux éditions Albin Michel en 2025 représentait une occasion idéale.

L’idée d’un recueil de douze nouvelles par un auteur aussi prolifique suscitait à la fois une certaine appréhension et une vive curiosité. Allais-je être immédiatement plongé dans un univers trop sombre pour un lecteur encore novice dans ce court format chez cet auteur ? Ou découvrirais-je, au-delà de la "peur" de cette nouvelle entrée, une richesse narrative insoupçonnée ?

Diversité des atmosphères et richesse narrative

Dès les premières pages, ce qui frappe, c’est la diversité des atmosphères et des thèmes abordés. Loin de se cantonner à un seul type d’horreur, Stephen King explore différentes facettes de la noirceur, qu’elle soit surnaturelle, psychologique ou ancrée dans le quotidien.

Cette variété constitue, pour un quasi nouveau lecteur de Stephen King, un atout majeur. Elle permet de découvrir l’étendue de son talent et de ne jamais s’ennuyer, même si certaines histoires résonnent plus que d’autres.

Bien que n’ayant aucune base de comparaison solide avec ses autres écrits, mon expérience de lecture de "Plus noir que noir" s’est révélée captivante et m’a donné un aperçu de la capacité de l’auteur à manier différents genres au sein d’un même recueil.

L’hétérogénéité des récits, allant du fantastique pur à des explorations plus ancrées dans la réalité humaine, rend ce livre particulièrement accessible à ceux qui hésitent à se plonger dans l’univers de Stephen King par crainte d’une horreur trop uniforme.

"Le mauvais rêve de Danny Gauglhy" : un récit marquant

Parmi ces douze récits, Le mauvais rêve de Danny Gauglhy (Danny Coughlin's Bad Dream) a particulièrement retenu mon attention. Plus long que les autres nouvelles, frôlant le format de la Novella, ce récit nous plonge dans le cauchemar vécu par Danny Coughlin, un concierge de lycée qui fait un rêve prémonitoire d’un meurtre et se retrouve, après avoir signalé sa découverte, suspecté par la police.

L’engrenage implacable dans lequel Danny est pris, malgré son innocence, m’a tenu en haleine. Cette histoire m’a étrangement rappelé "La Promesse" (¹) de Friedrich Dürrenmatt (²). Bien que les contextes soient différents, on retrouve dans les deux œuvres ce thème d’une quête de vérité ou de justice qui vire à l’obsession, face au doute et à la pression sociale.

Dans "La Promesse", le commissaire Matthias s’engage sur son honneur à retrouver l’assassin d’une enfant et cette promesse le consume. De même, dans Le mauvais rêve de Danny Gauglhy, l’acharnement du détective Jalbert à vouloir prouver la culpabilité de Danny fait écho à cette obstination.

L’atmosphère dans les deux récits est également pesante et troublante, où la frontière entre la réalité et la perception des personnages devient floue. Une forme de mélancolie, voire de tragédie, se dégage de ces deux histoires, où la conviction des protagonistes a un coût personnel élevé.

Ainsi, même pour un lecteur novice de Stephen King, la puissance du thème de l’accusation injuste et de l’obsession se révèle universelle.

Profondeur métaphysique et symbolisme

Au-delà de cette histoire particulièrement marquante, en prenant le temps de laisser infuser ces récits, j’ai commencé à percevoir des motifs plus subtils.

J’ai beaucoup aimé aussi Laurie ainsi que L’Homme aux réponses.

Il ne s’agissait plus seulement de l’horreur immédiate, mais de la façon dont Stephen King utilisait l’espace, les idées métaphysiques et même la narration elle-même pour créer une expérience de lecture plus riche.

J’ai été frappé par la manière dont les lieux dans Plus noir que noir ne sont pas de simples décors. Ils semblent souvent porter un sens symbolique qui enrichit l’histoire. Par exemple, dans Écran rouge, les écrans rouges des iPhone ne sont pas de simples objets technologiques, mais deviennent le signe tangible d’une intrusion angoissante de l’inconnu dans le quotidien.

La station-service abandonnée dans Le mauvais rêve de Danny Gauglhy évoque un sentiment de déclin et de secrets enfouis.

Même Central Park dans La Cinquième Étape, bien que lieu de rencontre, porte en lui une tension liée à la vulnérabilité des personnages.

Ces détails prennent une dimension symbolique, représentant peut-être l’intrusion de l’inconnu dans notre quotidien ou des états émotionnels profonds.

Ces espaces ne sont pas seulement des décors, ils paraissent poser des questions plus profondes.

Le mauvais rêve de Danny Gauglhy nous confronte à l’idée de rêves prémonitoires et du destin.

Des histoires comme Finn et L’Homme aux réponses explorent le rôle de la chance et du destin dans nos vies.

J’ai eu l’impression que, sans donner de réponses faciles, Stephen King nous invitait à réfléchir à ces questions métaphysiques.

En réalité, sous le prétexte de l’horreur, voire du fantastique, Stephen King déploie une riche trame métaphysique et symbolique pour délivrer ses messages.

J’ai particulièrement apprécié cette profondeur, tout comme l’utilisation de la métafiction qui, par ses clins d’œil et ses mises en abyme, sert admirablement ces aspects.

De même, la mention de notes en italique à la fin de certaines nouvelles, comme la référence à Flannery O’Connor après Sur la route de Slide Inn, m’a semblé être une façon de souligner les influences littéraires et de rappeler que ce que je lisais était une construction.

La découverte de ces éléments – les espaces symboliques, les questions métaphysiques et ces clins d’œil métafictionnels – a vraiment enrichi ma lecture. Cela m’a montré que Stephen King ne se contente pas de raconter des histoires pour faire peur. Il utilise le genre pour explorer des thèmes plus complexes et pour nous faire réfléchir sur le monde qui nous entoure et sur la nature même de la fiction.

Conclusion : une porte d’entrée réussie

Cette première incursion dans ce court format de l’univers de Stephen King a été une expérience très positive.

Loin de me rebuter, elle a au contraire éveillé en moi le désir de découvrir d’autres facettes de son œuvre.

Ce recueil de nouvelles s’est révélé être une excellente porte d’entrée, offrant un aperçu de la richesse de son imagination et de sa capacité à explorer différents aspects de la nature humaine à travers le prisme du fantastique et de l’horreur.

Je recommanderai sans hésiter Plus noir que noir à quiconque souhaiterait découvrir l’univers de Stephen King sans se sentir submergé par l’ampleur de certains de ses romans.

📖 Chronique rédigée par Michel BLAISE – © 2025 - Le Lecteur Impertinent


1 - Cliquez sur le titre du livre, (lien Solal overlog) vers un blog relatif à la promesse extrêmement intéressant,

2 - Chronologie : vie et œuvre de Friedrich Dürrenmatt





lundi 26 mai 2025

Toutes les nuances de la nuit, Chris Whitaker

 


« couverture du roman Toutes les nuances de la nuit se déroulant dans le Missouri »





"L'homme semble prédestiné au mal. En même temps, il est libre. Comment concilier libre arbitre et prédestination ?"  Anthony Burgess

Un roman qui dépasse les codes du polar

"Toutes les nuances de la nuit", de Chris Whitaker, publié chez Sonatine en 2025, dépasse largement les codes du roman policier. C'est une œuvre qui va bien au-delà d'une simple enquête, une fresque humaine et sociale qui traverse les générations et explore les tréfonds de l'âme avec une intensité rare.

Une disparition qui bouleverse une communauté

L'histoire commence dans une petite ville des Ozarks, Monta Clare, où le jeune Patch (Joseph) McCauley disparaît après avoir tenté de sauver son amie Misty.

Enfermé dans l'obscurité, il partage son calvaire avec une mystérieuse Grace, qu'il ne voit jamais, mais dont il garde une empreinte indélébile. Lorsqu'il est libéré, grâce à la détermination de Saint, son amie fidèle, il n'a qu'une obsession : retrouver Grace.

Mais cette quête s'étend sur des décennies et révèle les zones d'ombre d'une communauté rongée par ses secrets.

Une écriture immersive et puissante

Dès les premières pages, j'ai été saisi par l'écriture de Chris Whitaker. Il a ce talent rare de construire une intrigue dense, où chaque détail compte.

Par moments, j'ai eu l'impression de longueurs, comme si l'auteur s'attardait sur des descriptions minutieuses à la manière de Balzac ou Proust (au demeurant, auteurs très appréciables), mais en refermant le livre, j'ai compris que tout faisait sens.

Chaque élément, chaque digression, chaque dialogue construit une architecture narrative magistrale, où rien n'est laissé au hasard.

Une réflexion philosophique profonde

Ce que j'ai également beaucoup aimé, c'est la profondeur philosophique du roman : Chris Whitaker explore avec une finesse remarquable la distinction entre libre arbitre, déterminisme et volonté divine, une réflexion qui rappelle Kant et Spinoza.

Les personnages sont souvent confrontés à des choix qui semblent dictés par leur passé, leur environnement ou des forces extérieures, et cette tension entre liberté et causalité traverse tout le récit.

L'ouvrage interroge aussi la volonté divine et la fatalité, un thème cher à Kierkegaard, qui voyait dans l'angoisse existentielle une forme de confrontation avec la foi et le destin.

Patch, dans sa quête de Grace, parais lutter contre une réalité chaotique, ce qui évoque Camus et sa vision de l'absurde.

Quant à Saint, par sa détermination et son refus d'abandonner, elle incarne une forme de dépassement de soi qui évoque Nietzsche et sa volonté de puissance.

Mais attention, il ne s'agit pas d'un manuel de philosophie, loin de là. Il est tout à fait lisible, même s'il demande une certaine exigence — d'une part par sa longueur, et d'autre part par la richesse de son écriture.

Des personnages d'une rare intensité

Et puis, il y a les personnages, ah les personnages ! Tous incroyablement travaillés. Patch, Saint, mais aussi les figures secondaires, qui ne sont jamais reléguées à de simples rôles d'accompagnement.

Chacun est un roman à lui seul, avec ses failles, ses contradictions, ses éclats de lumière et ses zones d'ombre.

La fille de Patch, par exemple, apporte une touche de vivacité et d'humour, avec des dialogues d'une intelligence mordante. À cet égard, Chris Whitaker ne néglige jamais l'humour, mais il l'intègre avec subtilité, comme une respiration dans cette fresque intense.

Une construction narrative minutieuse

L'un des éléments également marquants du roman est son arc narratif, qui repose sur une construction minutieuse et une évolution des personnages parfaitement maîtrisée.

L'auteur ne se borne pas à raconter une histoire : il la façonne, en laissant ses personnages grandir, changer, se transformer sous nos yeux.

Patch, marqué à jamais par son passé et son œil borgne — stigmate de son combat et de sa survie — n'est plus le même homme au fil des années.

Saint, elle, intègre d'abord la police locale avant de rejoindre le FBI, tandis que Patch évolue dans son comportement, porté par les épreuves qu'il traverse et les choix qu'il fait.

Cette évolution, loin d'être artificielle, s'intègre naturellement à l'intrigue, renforçant la cohérence du récit et son impact émotionnel.

Une maîtrise totale de l'intrigue

Contrairement à certaines critiques qui évoquent, ici ou là, une part d'incertitude dans l'intrigue, je trouve que tout est parfaitement maîtrisé.

Certes, l'interprétation peut varier selon les sensibilités, mais Chris Whitaker ne laisse pas de place au flou : il sait où il nous emmène, et il nous y conduit avec une précision implacable.

Un roman qui embrasse de nombreux thèmes

"Toutes les nuances de la nuit" est un roman qui aborde des sujets forts :

Le féminismeL'avortementL'homosexualitéL'amitié et la fidélitéLe deuil

Il ne se contente pas de les effleurer, il les incarne, à travers des personnages qui vivent ces réalités avec une intensité brute.

Une œuvre marquante et inoubliable

Si je devais lui trouver un défaut, ce serait peut-être cette impression de lenteur, à certains moments, accolée à des fulgurances.

Mais là encore, une fois la dernière page tournée, on comprend que cette lenteur était nécessaire, qu'elle servait à construire une œuvre qui ne se contente pas simplement de nous divertir, mais qui nous marque profondément.

Parce que, oui, il y a des romans qui marquent, qui laissent une empreinte bien après qu'on a tourné la dernière page. "Toutes les nuances de la nuit" est de ceux-là.

Si je devais donner une note, elle dépasserait les cinq étoiles. Mais tout cela ne veut rien dire.

Chris Whitaker signe ici une œuvre majeure, nécessaire et indispensable ; un roman qui restera gravé en moi pour toujours.

Une conclusion puissante et émouvante

Je note en conclusion que les personnages évoluent souvent sur une ligne jaune, flirtant avec des choix discutables, mais jamais condamnables.

On ne peut s'empêcher de les comprendre, de les suivre, et même de les aimer, malgré leurs failles.

Et puis, il y a cette fin, une conclusion surprenante et profondément émouvante.

Ne vous arrêtez pas aux critiques négatives — je comprends que certains aient pu être déroutés, mais peut-être qu'une deuxième lecture leur permettrait de découvrir toute la richesse du texte sous un autre angle…

📖 Chronique rédigée par Michel BLAISE – © Le Lecteur Impertinent




lundi 15 janvier 2024

Thérapie, Sébastian Fitzek



Triller psychologique




Thérapie de Sébastien Fitzek (L'archipel, 2008) est un thriller psychologique qui raconte l'histoire de Viktor Larenz, un célèbre psychiatre dont la fille Josy a disparu mystérieusement sans laisser de traces. Quatre ans plus tard, il reçoit la visite d'une femme énigmatique qui prétend souffrir d'une forme rare de schizophrénie : les personnages qu'elle crée pour ses livres prennent vie. Or, dans son dernier roman, il y a une petite fille qui ressemble à Josy et qui a la même maladie inconnue. Viktor accepte de la soigner, espérant retrouver sa fille, mais il va se retrouver pris dans un engrenage infernal où la réalité et la fiction se confondent.

À ma connaissance, il s'agit du premier roman, édité, de l'auteur. S'il est incontestablement original et passionnant – il a obtenu, lors de sa parution en Allemagne, le prix du meilleur thriller –  pour autant, il a un défaut majeur. Il ne s'agit pas de la fin du roman – très choquante et bouleversante, qui remet en cause tout le roman -, qui m'a posé questions, mais les travers d'un scénario parfois confus et d'initiatives scénaristiques à la frontière du « deus ex machina », et donc un peu trop tiré par les cheveux.

Quoi qu'il en soit, c'est un roman qui ne laisse pas totalement indifférent, et qui joue avec les nerfs du lecteur jusqu'à la fin. On perçoit, avec ce premier roman, de très grandes aptitudes d'auteur de Thrillers psychologique.

Michel BLAISE ©  F.D.L (fureur de lire)




 
          Sebastian Fitzeks Die Therapie - Teaser | Prime Vidéo



mercredi 19 octobre 2022

L'illusion de mal, Piergiorgio Pulixi


         

                             Policier -Thriller - Littérature Italienne


(Chronique à venir)

Le bon père, Santiago Diaz


                             Policier- Thriller- Littérature espagnole


(Chronique à venir)

jeudi 26 mai 2022

L'Embuscade, Émilie Guillaumin

 

                            Littérature Française, Thriller,  Djihadisme


« La guerre n'a pas un visage de femme » (1)


C'est un matin du mois d'août comme les autres pour Clémence. Il est très tôt. Les enfants dorment encore, l'atmosphère est déjà moite lorsqu'une délégation militaire se présente au domicile. Cédric Delmas - son conjoint, membre des forces spéciales du 13e RDP de Bordeaux (2) -, a disparu en mission, dans une embuscade, avec cinq compagnons d'armes, quelque part au Moyen-Orient.


La douleur et la sidération de Clémence s'amplifient très vite à la faveur de pensées circulaires et torturantes - Cédric est-il réellement mort ? - lorsque l'armée apprend à l'épouse que les résultats d'analyses ADN, effectuées sur le corps méconnaissable rapatrié, ne coïncident pas avec l'identité de Cédric.

lundi 29 novembre 2021

Un assassin parmi nous, Shari Lapena


                                                  Thriller, whodunit


Au sein de la forêt, dans les montagnes des Catskills situées à environ 160 km au nord-ouest de New-York et à 64 km au sud-ouest d'Albany, capitale de l'État, l'on peut se reposer quelques jours, loin de tout, du réseau internet et du téléphone, au « Mitchell's Inn », un bel hôtel de charme.

Les nouveaux pensionnaires font immédiatement et jovialement connaissance. Mais pour eux, ce séjour de deux jours s'apparente davantage à une thérapie qu'à une sinécure. Deux amies journalistes, l'une et l'autre liées par des relations équivoques, un couple au bord de la rupture du fait des infidélités de l'époux, une femme écrivain lesbienne, solitaire et mystérieuse, un avocat divorcé accusé du meurtre de sa femme, un jeune couple - dont la date du mariage est fixée - qui se serait bruyamment disputé au cours de la première nuit.

L'hôtel, pour améliorer et avantager le séjour de ses hôtes, est dirigé par un gérant veuf et son fils au demeurant très charmant, mais coutumier de certains comportements douteux, voire répréhensibles.

En tout état de cause, les premiers instants au « Mitchell's Inn » sont enthousiastes et chaleureux.

Le lendemain matin l'un des pensionnaires est retrouvé mort assassiné au pied de l'escalier. Puis, tous sont plongés dans le noir, privés de chauffage et du moindre secours du fait des conditions météorologiques.

Brusquement, tout s'accélère : un autre pensionnaire est mystérieusement assassiné, puis un deuxième, puis encore un autre… le suivant décède de manière inexpliquée sans que l'on sache s'il s'agit d'une mort naturelle ou d'un assassinat. Certains signes permettent de penser que le criminel appartient au groupe ou bien qu'un intrus se cacherait dans l'hôtel. Cette dernière hypothèse est définitivement écartée après une visite minutieuse de l'établissement.

Les conditions climatiques ne permettent pas à la police de se rendre sur les lieux pour enquêter. Aussi, les résidents survivants s'observent, se méfient et s'accusent les uns les autres. La tension est à son comble.

Quand la nature s'est enfin apaisée, le sergent Margaret Sorenson se rend sur les lieux afin d'interroger les pensionnaires et confondre le coupable.

Cependant ….

Le secret de Platon, Gilles Vervisch

 

        

                                  enquête policière philosophie antique          


"L'opinion est quelque chose d'intermédiaire entre la connaissance et l'ignorance". (Platon)


« le secret de Platon » est le premier roman publié par Gilles Vervisch, (Michel Lafon, 2018), professeur agrégé de philosophie. Il est Inutile de résumer les faits clairement rapportés sur la quatrième de couverture de l'édition originale ou de poche (J'ai lu, 2019), disponibles sur le site Babélio.

« le secret de Platon » est, essentiellement, un roman philosophique, peu ou prou à l'image de celui de Jostein Gaarder « le monde de Sophie » - avec de très sensibles différences cependant, mais je n'ai pas su trouver de meilleures comparaisons en matière d'équivalence qualitative.

Les dissemblances principales sont, autant l'intrigue et la nature de celle-ci, qu'une circonscription philosophique limitée à la période gréco-romaine et, elle-même, à certains penseurs.

Il me semble que l'ouvrage peut être lu par tous - de l'éminent philosophe, qui se réjouira de quelques heures d'énigmes, de suspense et d'aventures diverses - à l'élève de terminale désireux de parfaire ses connaissances des concepts philosophiques et de s'exercer à une réflexion rigoureuse. Cela grâce à la lecture d'un roman captivant et distrayant.

J'aurais très volontiers donné quatre étoiles si l'auteur n'avait pas cédé, de temps à autre, à la tentation de l'argumentation accommodante - humanitaire et tiers-mondiste - n'ayant strictement rien à voir avec le raisonnement philosophique. Il ne s'agit pas de condamner ou de soutenir celle-ci pour ce qu'elle est, mais le raisonnement philosophique, Gilles Vervisch, agrégé de philosophie, le sait parfaitement, est exclusif de la « bouillie du cœur. » La philosophie suppose un raisonnement rigoureux qui se moque de l'opinion personnelle et de la posture. La cohérence de la démonstration est la seule exigence.

À cela près, « le secret de Platon » est un excellent ouvrage, très instructif, passionnant de bout en bout - susceptible d'inviter à enrichir ses connaissances - dont je recommande à tous vivement la lecture.

Contrairement à ce qui est dit, ici et là, il n'est nul besoin de posséder une culture philosophique considérable pour l'aborder.


Michel BLAISE. © 2021

          


Vindicta, Cédric Sire


                                                             Thriller



Vindicta (Cédric Sire Metropolis, 2021) débute par le braquage d'une bijouterie qui finit mal. Les quatre jeunes cambrioleurs, contraints de prendre la fuite sans le butin, sont la cible des balles du bijoutier qui les poursuit.

Au cours de leur fuite précipitée, la jeune fille de la bande, au volant du véhicule, renverse une enfant de dix ans, Valentine, qui meurt sur la table d'opération.

Au même moment, Olivier Salva
, inspecteur d'une espèce d'électron libre, relégué à des missions de surveillance pour avoir subtilisé de la drogue dans les scellés du commissariat, « planque » aux abords de la bijouterie. le bijoutier doit remettre à un avocat véreux un collier volé en échange de l'argent qui est, précisément, l'objet du braquage, ce qu'ignorait Olivier.

Mais sur les injections de son collègue et de sa hiérarchie, Salva ne doit pas intervenir afin de ne pas empêcher le braquage, seul le collier doit demeurer sa priorité. Une fois de plus Olivier désobéit, mais trop tard, il n'a pas eu le temps d'empêcher ni la tentative de cambriolage ni la mort collatérale de l'enfant.

Animé d'un sentiment de culpabilité qui ne le quittera pas, et malgré les injonctions de sa hiérarchie, il s'introduit dans l'enquête, rencontre Marie, la mère de l'enfant avec laquelle il nouera, progressivement et institue une relation intime contraire à la déontologie.

Enfin, l'auteur, sans que l'on saisisse la connexion avec ce qui précède, intercale certains chapitres relatifs à la description d'exactions en terres ennemies, d'une sauvagerie et d'une cruauté extrêmes, d'un groupe de militaires français des forces d'interventions spéciales, sous le commandement « légitime », à l'encontre de terroristes en territoire étranger.

Ce dernier point n'est pas dérangeant, en tant que tel, il est la signature de l'auteur.

Cependant, on peut reprocher à celui-ci, dans cet ouvrage en tout cas, une fréquence inefficace n'apportant aucune plus-value au roman.

Est-ce à dire que celui-ci est mauvais : absolument pas : les personnages, les dialogues sont assurément bien travaillés ; l'intrigue, les paysages et les décors également. le suspense est parfaitement bien traité : l'écriture et le style sont très honorables.

Cédric Sire est un auteur qui mérite de poursuivre son ascension dans le monde littéraire du roman policier au sens large.

Je recommande son livre qui est particulièrement la promesse de bons moments d'évasions.


Michel BLAISE. © 2021


True story, Kate Reed Petty

 

               

                                                 Littérature Américaine


« Tout observateur du genre humain sait combien il est difficile de raconter une expérience de telle sorte qu'aucun jugement n'interfère dans la narration » (Georg Christoph Lichtenberg)

Alice termine sa scolarité secondaire dans un lycée privé américain. Non loin de là, les élèves de l'établissement public, aspirant au championnat de la crosse (1) passent le plus clair de leur temps à organiser fêtes, beuveries, sauteries et dragues grossières.

Un soir, deux adolescents sont accusés, au bruit d'une folle rumeur à laquelle ils ne sont pas étrangers, d'avoir abusé d'Alice au moment de la ramener, ivre, à son domicile.

Alice, depuis qu'elle est au collège, s'essaye, avec son amie Haley, à l'écriture de scenarii cinématographiques. Elle ne cessera, sa vie durant, marqué par cet évènement qui se serait produit, ou pas, de rechercher la vérité.

Il s'ensuit une quête permanente de celle-ci narrée aussi bien par la victime ainsi que d'autres protagonistes du roman, témoins directs ou indirects., sans que l'on sache, pas même la présumée victime, si l'évènement – le viol -, qui va marquer les personnages du récit, a eu lieu ou non.

Il conviendra d'attendre la toute dernière page pour comprendre la subtilité et l'originalité de l'ouvrage de Kate Reed Petty.

True Story, (Gallmeiter, 2021) dont le titre n'a pas été traduit, lors de sa parution en France, est le premier roman de Kate Red Petty.

Elle court, elle court la rumeur… Pour rendre compte de celle-ci, l'auteur utilise deux procédés audacieux, empreint d'un brin de folie, mais qui fonctionnent à merveille à raison de la quasi-totalité, et de la singularité et du machiavélisme à souhait de l'intrigue. Ces procédés littéraires renforcent, sans aucun doute, la qualité exceptionnelle de cette première fiction.

La première technique littéraire – il serait inopportun de la divulguer, même si l'on comprend assez vite. La seconde est qu'il s'agit d'un roman sous la forme de casse-tête, qui fait, cependant, l'économie de flash-backs, dont la compréhension se met petit à petit en place et qui contribue, au grand plaisir du lecteur, à une montée évidente de la tension et du suspense.

On ne peut d'ailleurs s'empêcher de faire le rapprochement entre la construction de cette histoire, sous forme de puzzle et la désorganisation qui règne dans l'esprit d'Alice que l'on retrouve à chaque stade de sa vie, qui mélange, tous azimuts, ses passions cinématographiques adolescentes avec ses lettres de motivation afin d'intégrer une prestigieuse université.

L'autre particularité de fond de ce roman semble être le rapport de l'auteur au féminisme. On peut lire, ici et là, qu'il s'agirait d'un roman féministe sans autre forme de commentaires. le roman mérite néanmoins un meilleur approfondissement qu'un simple raccourci facile.

À l'heure où aux États-Unis et dans une partie de l'Europe, sous l'influence de minorité de néo-féministes minoritaires, mais néanmoins radicales, le roman de Kate Reed Petty prend le contre-pied de ce mouvement littéraire au profit d'un féminisme classique et raisonnable où la femme est l'égale de l'homme, sans affirmer « préférer des femmes qui jettent des sorts à des hommes qui construisent des EPR » ou de ces écrits narcissiques, de plus en plus nombreux et mal écrits, qui narrent les violences subies, ou pas, de ces femmes en quête de reconnaissance.

C'est un roman qui tranche et condamne définitivement tous les poncifs, insipides et égotiques de nombreux auteurs, autofictions et récits actuels.

L'écriture est irréprochable, autant que la traduction par définition. Simple, mais pas niaise ou maladroite et empruntée, tout en étant rigoureuse. Les qualités narratives de l'auteur sont exceptionnelles, alternant les différents modes de narration et de focalisation qui subliment à la fois la qualité de l'écriture que le fond du récit et, plus particulièrement, la tension de celui-ci.

À titre d'exemple, fait exceptionnel, l'auteur, par l'intermédiaire d'Alice, utilise parfaitement, lorsqu'elle propose sa voix à ses prétendus agresseurs, la deuxième personne du singulier (le "tu" de narration interne).

En résumé, c'est un roman subtil, intelligent et addictif comme rarement il m'a été permis d'en lire ces derniers temps.

Kate Red Petty réussit un livre remarquable qui autorise d'en espérer l'écriture rapide d'un deuxième.

Michel BLAISE ©

1- La crosse est un sport collectif d'origine amérindienne où les joueurs se servent d'une crosse pour mettre une balle dans le but adverse… (Note du traducteur P. 27)

La fille du président, B Clinton - Jeff Patterson

 

   

                                                    Thriller politique                 


"Vous pouvez mettre des ailes sur un cochon, mais vous ne ferez pas de lui un aigle". (Bill Clinton)

À la suite du décès soudain du président des États-Unis d'Amérique, le vice-président, Mathew Keating, est désigné, en application des dispositions de la constitution américaine, pour succéder à la fonction suprême.

Depuis la cellule de crise de la Maison-Blanche, Mathew Keating, naguère membre des forces spéciales de la marine de guerre, donne l'ordre à ces mêmes forces militaires d'éliminer, dans son repaire sur le territoire libyen, le djihadiste sanguinaire, Assim Al-Achid. le président, Pamela Barnes - vice-président-, et les chefs d'état-major des armées et des services de sécurité assistent en direct au fiasco de l'intervention. Al- Achid a disparu ; son épouse et ses trois filles, présentes sur la place, sont accidentellement tuées aux cours de l'offensive.

Les électeurs ne pardonnent pas le revers infligé à la sécurité, à l'honneur, et à la fierté du pays. Et puis la trahison joue son rôle : au terme du mandat de Mathew Keating, Pamela Barnes, vice-président, est élue président des États-Unis.

Si la famille Keating espérait alors une existence plus paisible, bien mal lui en prit. La Maison-Blanche perpétue le souvenir d'une sinécure au prix de ce qu'elle s'apprête à subir désormais. Al- Achid, assoiffé de venger « ses femmes », enlève et séquestre Mélanie Keating, la fille de l'ancien président, contraignant ce-dernier à braver tous les interdits, jusqu'au plus haut sommet politique et militaire dans une course effrénée contre-la-montre,
pour tenter de sauver sa fille d'une décapitation publique annoncée et mise en scène à la face du monde sur la chaine de télévision qatarienne, al Jazeera.

« La fille du président » (JC Lattès, 2021) est le deuxième ouvrage, traduit en français après « le président a disparu » (JC Lattès, 2018) écrit, conjointement, par Bill Clinton, quarante-deuxième président des États-Unis d'Amérique et James Patterson, auteur Nord-américain incontournable, notamment de thrillers et de romans policiers.

Il est une personne que l'on évoque peu dans les avis de lecture. le traducteur. Dominique Defert me permet de réparer cette injustice.

Mon libraire préféré m'avait vivement conseillé de lire la version originale. Je parle et je lis l'anglais, très honnêtement pas au point de rêver encore dans la langue de Shakespeare ; je suis bien plus confortable dans celle de Molière. Mais c'est la dernière fois que j'achète un roman américain traduit par Dominique Defert ! Si l'on n'a pas servi dans l'armée américaine – et encore dans certaines de leurs forces spéciales – et auprès des divers services secrets américains - à défaut de simplement quelques notes en bas de pages, il est nécessaire de faire régulièrement appel à un dictionnaire pour comprendre de « quoi, qui ou qu'est-ce » …. La lecture d'une quantité d'acronymes, sans aucune explication, mêlée à un sentiment de défaut de spontanéité de la traduction, c'est déplaisant.

S'agit-il de suffisance ou de nonchalance ? D'arrogance et de dédain du lecteur, sans aucun doute.

Cela dit la qualité et la compréhension du roman et l'intrigue ne sont pas brouillées pour autant. Et c'est heureux car « La fille du président » est un bon thriller.

Ce qui, au premier chef, est brillant et attirant est la collaboration, parfaitement réussie, entre deux hommes de l'art. Un ancien président des États-Unis d'Amérique et un romancier. Quand le premier apporte son savoir et son expérience de la réalité politique et géopolitique, avec les réserves ou les exagérations imposées par le genre romanesque, au service de la fiction imaginée par le second (ou peut-être par les deux conjointement), le lecteur est ravi et comblé.

Tout le soin employé à l'élaboration d'une intrigue intelligible et captivante au moyen de très courts chapitres – quatre pages maximum, c'est très efficace - qui se termine chacun par la technique très maitrisée de l'aguichage (eh oui, je déteste le franglais dans la mesure du possible) – produit un très bon thriller et d'excellents moments de lecture. Et si par endroits, le récit est, comme toujours, un peu plus faible ou le suspense moins intense, les personnages sont construits et très intéressants à plusieurs égards.

En résumé, les amateurs de romans policiers et de thrillers ne devraient pas être déçus par ce roman que je conseille très volontiers.

Michel BLAISE ©